Autrefois cantonnée aux rayons des magasins bio et diététiques fréquentés par une clientèle d’initiés, la spiruline, cette micro-algue aux couleurs bleu-vert intenses, connaît ces dernières années un engouement sans précédent dans l’Hexagone. Des industriels aux start-up en passant par les producteurs locaux, de plus en plus d’acteurs se lancent dans la culture de cette “superaliment” naturellement riche en protéines, vitamines et antioxydants. Un boom dopé par une demande croissante des consommateurs français à la recherche de compléments alimentaires sains, éthiques et respectueux de l’environnement.
Un marché en pleine effervescence
Longtemps dominé par les importations en provenance d’Asie et d’Amérique, le marché français de la spiruline voit désormais fleurir une myriade de producteurs locaux, portés par une demande intérieure en plein essor. Selon les derniers chiffres du Syndicat Professionnel de la Filière des Compléments Alimentaires (SYRENCIA), les ventes de spiruline ont bondi de près de 40% entre 2019 et 2022 pour atteindre 47 millions d’euros.
“C’est une véritable tendance de fond qui s’installe dans la durée, analyse Cécile Muller, experte sectorielle chez SYRENCIA. La spiruline bénéficie d’une image très positive de superaliment naturel, riche en bienfaits nutritionnels et issu d’une production locale et durable.”
Face à cette demande croissante, les initiatives se multiplient sur le territoire pour augmenter les capacités de production. De grandes entreprises comme Natrician ou Roquette se lancent dans des investissements lourds, quand de petites start-up comme Pravera ou AveAlga développent des systèmes novateurs de culture en milieu fermé.
Voici une vidéo présentant ce marché :
Des atouts nutritionnels et environnementaux reconnus
Au-delà d’une simple tendance alimentaire, la spiruline séduit par ses remarquables qualités nutritionnelles. Composée à 65% de protéines biologiquement complètes, elle est également très riche en vitamines A, B12, C, E, en antioxydants, minéraux et pigments. De quoi en faire un superaliment de choix pour les sportifs, les végétariens ou toute personne en quête d’un complément énergétique sain.
“C’est l’un des aliments les plus concentrés en nutriments dont dispose la nature, vante Aline Lete, nutritionniste spécialisée dans les micronutriments. Sous forme de compléments ou incorporée dans des recettes, la spiruline apporte un regain d’énergie tout en permettant de bien s’alimenter.”
Son autre grand atout est son mode de production très respectueux de l’environnement, avec un bilan carbone et une empreinte eau extrêmement réduits par rapport aux productions animales ou végétales conventionnelles. Une performance écologique qui séduit un nombre croissant de Français soucieux de limiter leur impact sur la planète.
Les défis de la production locale
Malgré cet engouement, le développement d’une filière spiruline 100% française se heurte encore à certains défis de taille, notamment en matière de coûts et de rendements. Car si elle présente de nombreux avantages agronomiques une fois installée, la culture de cette microalgue reste une activité particulièrement coûteuse à l’investissement.
“La construction d’une unité de production de qualité représente un investissement très lourd, de l’ordre de 2 à 5 millions d’euros selon la taille, sans compter les coûts de main d’œuvre et d’énergie important pour faire fonctionner les bassins”, détaille Bastien Hilion, fondateur de la société AVeAlga, spécialisée dans la production de spiruline en milieu contrôlé.
Le manque de main d’œuvre qualifiée dans le domaine des microalgues, encore très confidentiel en France, constitue également un frein au développement rapide de la filière. De même que les faibles rendements moyens, d’environ 10 à 15 tonnes de spiruline récoltée par hectare de bassin, contre des rendements bien supérieurs pour la production végétale classique.
Une filière d’avenir prometteuse
Mais pour de nombreux acteurs du secteur, ces obstacles ne sont que temporaires et la spiruline française a de beaux jours devant elle. Soutenue par des aides publiques comme le plan France 2030 qui prévoit 25 millions d’euros d’investissements dans les biotechnologies alimentaires, la filière devrait voir ses coûts de production baisser grâce aux progrès techniques et aux économies d’échelle.
“C’est une filière émergente mais extrêmement prometteuse avec un potentiel de développement considérable, à la fois en bassins ouverts dans les régions ensoleillées et en nouvelles unités de production en milieu fermé et automatisé”, prédit Philippe Boucly, président du pôle de compétitivité Qualimed dédié à la filière des plantes et microorganismes.
Au-delà du marché des compléments alimentaires, la spiruline devrait également trouver de nouveaux débouchés dans l’alimentation humaine, la nutrition animale ou encore les cosmétiques dans les années à venir, selon les professionnels du secteur.
Une diversification rendue possible par la recherche active menée par de nombreuses start-up mais aussi des instituts publics comme le CEA ou l’Ifremer sur l’exploitation des propriétés de cette microalgue aux multiples vertus. Des efforts R&D qui contribueront à ancrer durablement une filière spiruline française tournée vers l’export et la conquête des marchés internationaux.
Le pari de la relocalisation
Pour ceux qui ont fait le pari de relocaliser et développer la production en France, ce boom de la spiruline est une véritable réussite industrielle et sociétale. Après les déboires des filières alimentaires comme le lait ou la viande, cette nouvelle filière “made in France” apporte de l’optimisme dans le secteur agroalimentaire.
“C’est un petit pas dans la bonne direction pour relocaliser et verdir nos systèmes alimentaires, juge Adriana Diké, chercheuse en économie circulaire à l’Université de Nantes. En produisant et valorisant localement une ressource saine, nutritive et à faible impact environnemental comme la spiruline, on prouve qu’une autre agriculture, plus respectueuse des terres et des hommes, est possible.”
Et pour les Français, de plus en plus désireux de consommer des produits locaux et durables, ce boom de la spiruline “made in France” semble une excellente nouvelle. Le chemin est encore long, mais l’essor de cette filière permet d’envisager une transition alimentaire plus verte et plus éthique, directement issue du terroir et du savoir-faire français.