Depuis quelques années, la spiruline est devenue l’une des algues préférées des français. Seulement voilà… Bien que l’engouement des Français se renforce, le tableau est loin d’être idyllique. Après l’avis de l’ANSES* en novembre 2017, l’étude publiée en octobre 2020 par la Fédération des Spiruliniers de France et par l’institut Darwin Nutrition ont levé le voile sur le côté sombre de cette industrie…
Un aliment complet venu des eaux et écologique
Il y a 3,5 milliards, le premier individu de l’espèce Arthrospira platensis voyait le jour. Petite algue filaire adepte des eaux chaudes, A. platensis est un organisme parfaitement autotrophe grâce à sa maîtrise de la photosynthèse.
Aujourd’hui communément appelée spiruline, cette algue est considérée comme un super aliment. Après le lait maternel, c’est elle qui comprend le plus de nutriments et le meilleur équilibre nutritionnel. Et ce n’est pas tout… Malgré sa petite taille, l’algue renferme 3 fois plus de protéines que le bœuf, 11 minéraux et oligo-éléments, 12 vitamines et 18 acides aminés. Autant dire que ses bienfaits nutritionnels sont largement au-dessus de la moyenne.
En outre, sur le plan environnemental, il a été prouvé qu’un hectare de culture de cette cyanobactérie capte en moyenne 40 tonnes de CO2. C’est 4 fois plus qu’une forêt vierge de surface équivalente.
Bonne pour l’homme comme pour la planète, l’algue n’est pas restée bien longtemps éloignée du feu des projecteurs. En 2018, il s’en est écoulé pour 346 milliards de dollars américains. Et selon Allied Market Research, la consommation de ce microorganisme enregistre une croissance annuelle de 11 %. Sans surprise, la France n’a pas échappé à cette vague verte.
Une consommation à 85 % importée …
À elle seule, la population française consomme 400 tonnes de spiruline par an. Malheureusement, 85 % des produits vendus en France sont importés. Provenant essentiellement de Chine, d’Inde, du Pakistan, etc…les algues qui se retrouvent sur le territoire français sont loin d’être exempts de dangers. C’est ce qu’a révélé l’ANSES.
Afin de maximiser leurs gains, ces fermes industrielles ont recours à des techniques hautement discutables. Mises en culture dans des eaux saturées en engrais, séchage à trop haute température, culture en plein air, absence de traçabilité… Au moment où elle arrive en France, la cyanobactérie n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Sur le plan sanitaire, il n’est pas rare que les algues importées aient été contaminées par du plomb, du mercure ou de l’arsenic. Du côté nutritionnel, le son de cloche n’est pas bien différent… En plus d’avoir perdu sa saveur, l’algue importée a aussi perdu les nutriments qui font sa force.
Heureusement, à l’inverse de leurs confrères étrangers, les producteurs Français sont résolus à promouvoir une agriculture paysanne, bien plus respectueuse de l’algue.
Le bleu-blanc-rouge comme gage de qualité
En 2019, on recensait 233 cultivateurs d’ Arthrospira platensis sur le territoire. En comparaison des 50 agriculteurs déclarés en 2013, c’est une hausse considérable. De même, entre 2014 et 2018, la surface des terres arables dédiée à la cyanobactérie est passée de 30 685 m2 à 61 748 m2. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que le chiffre d’affaires des entrepreneurs Français a quadruplé pendant ce laps de temps.
L’ANSES est vigilante. « Face à la mondialisation des échanges, à l’apparition de nouveaux modes de consommation et à la diversité de l’offre, une grande vigilance s’impose pour prévenir de nouveaux risques dans le champ alimentaire », écrit-elle. L’Agence nationale intervient à toutes les étapes de la chaine alimentaire et évalue les risques sanitaires de la production primaire à l’assiette du consommateur et émet des recommandations de santé publique. Son étude de 2017 conclue notamment : « L’Agence souligne que les produits contenant de la spiruline peuvent être contaminés par des cyanotoxines, par des bactéries ou par des éléments traces métalliques. Dans ce contexte, l’Agence recommande aux consommateurs de privilégier les circuits d’approvisionnement les mieux contrôlés par les pouvoirs publics (conformité à la réglementation française, traçabilité, identification du fabricant) ». On ne peut pas être plus clairs. Pourtant la production française de 60 tonnes environ est très éloignée de la consommation française de 400 tonnes par an et qui progresse de 11% par an. La simple augmentation de 2020 correspondra à la production française !
Par ailleurs, il est impossible de proposer une qualité premium (nutraceutique) de la spiruline et de son extrait très recherché, la phycocyanine premium, à partir d’une spiruline qui n’est pas produite en France. Tout au plus, un colorant alimentaire ! Le service des fraudes doit renforcer ses contrôles ! A partir de la spiruline cultivée en France, le premium est possible. A partir d’une spiruline cultivée en Asie ou en Amérique du sud, c’est impossible !
Dès lors, pour préserver la qualité de leurs produits tout en se dégageant des marges bénéficiaires décentes, les producteurs Français ont privilégié les circuits courts. Vente sur site, marchés locaux, salons d’exposition… 70 % de leur chiffre d’affaires est réalisé au-travers de ces canaux.
Fières de la noblesse de leurs récoltes, les fermes made in France ne comptent pas s’arrêter là. Misant toujours plus sur la R&D, elles ont lancé une procédure pour que leur spiruline puisse être estampillée “bio” par l’Union Européenne. Un geste qui démontre leur engagement en faveur d’une agriculture véritablement durable. Mais rien ne vaudra une spiruline cultivée en France et une Eco-extraction de la phycocyanine directement par le producteur de spiruline.
*ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail